On sait maintenant pourquoi la ville est endettée.................................
Médiapart le trés sérieux site d'information vient de publier ces révélations sur les méthodes de Jacques Mellick.
C'est édifiant !
Les déballages de l'après-Mellick à Béthune
11 juin 2011 | Par Louise Fessard
Alors que l'affaire Dalongeville, du nom de l'ex-maire PS de Hénin-Beaumont mis en examen pour détournements de fonds, détournements de fonds publics, faux en écriture, favoritisme et corruption passive, pourrait être jugée à l'automne 2011, à une trentaine de kilomètres de là, à Béthune, la mairie solde quant à elle ses dossiers de l'ère Mellick.
En mars 2008, Stéphane Saint-André (PRG), à la tête d'une fragile majorité hétéroclite, a ravi la ville au socialiste Jacques Mellick, maire de Béthune de 1977 à 1996. Après ce mandat interrompu par sa condamnation en 1996 pour faux témoignage au profit de Bernard Tapie dans l'affaire VA-OM, Jacques Mellick avait repris le collier en 2002. Le socialiste a laissé à son départ en 2008 une dette de 64 millions d'euros, classant la petite ville de 27.000 habitants au rang de la commune la plus endettée du Nord-Pas-de-Calais (2394 euros de dette par habitant).
Et plusieurs projets stoppés net par l'actuel maire, qui les qualifie de «pharaoniques». «Sous chaque dossier soulevé, il y a une affaire», soupire le directeur général des services, Pierre Godot, arrivé en septembre 2010.
Parmi les dossiers ciblés, celui d'une délégation de service public (DSP) confiant en mars 2005 la construction d'un parking sous-terrain et l'exploitation de la totalité du stationnement payant de Béthune à la société Q-Park, le numéro 4 du marché des parkings en France. Une DSP manifestement conclue dans des conditions très désavantageuses pour la Ville et qui lui a déjà coûté 10 millions d'euros en cinq ans (au lieu du 1,3 million prévu).
D'après un audit réalisé par un cabinet d'intelligence économique pour l'actuelle municipalité (publié sous l'onglet “Prolonger”), le préjudice final, au terme des trente ans de DSP, s'élèvera à près 50 millions d'euros. «Les conditions d'attribution de la DSP stationnement concentrent de très sérieux faisceaux de présomption de truquage de marché public assortis des conséquences financières catastrophiques pour la ville», souligne l'audit.
A la suite de cette enquête qui n'a pas encore été communiquée au conseil municipal, le maire Stéphane Saint-André a déposé plainte, le 11 avril 2011, au nom de la commune, pour favoritisme, recel de favoritisme et escroquerie. La plainte est à l'étude selon le procureur de Béthune.
L'audit montre notamment que deux sociétés (OTH Nord et Groep Planning), membres du collège d'experts de la Ville chargé d'évaluer les offres techniques et financières des trois candidats (Vinci, Eiffage et Q-Park), ont travaillé par la suite sur le chantier de Q-Park.
Le bureau d'études OTH Nord, qui «a contribué à la notation de plus des deux tiers des critères d'évaluation des offres des candidats en faisant ressortir en première position, le dossier Q-Park» selon l'audit, figurait également en bonne place sur l'offre de Q-Park, comme membre de son «équipe pluridisciplinaire» et devant assurer la direction du chantier avec une autre société.
«Ce conflit d'intérêts manifeste pour OTH Nord pouvait difficilement avoir échappé (...) à la direction générale des services de la ville de Béthune à l'époque», relève l'audit. Que si, répond l'ancien adjoint aux finances de Jacques Mellick, Michel Cauche, «vous me l'apprenez». Quant au directeur général des services de l'époque, Pascal Van Acker, il affirme, en contradiction avec le document publié ci-dessous, qu'«OTH n'a assuré aucune mission de maîtrise d'œuvre pour Q-Park sur le parking mais pour la ville sur des travaux annexes».
Offre de Q-Park, octobre 2004
48 millions d'euros de préjudice
Du côté de Q-Park, la directrice générale, Michèle Salvadoretti, découvre pour sa part que «la ville avait comme conseillers Groep Planning et OTH Nord». Mais de toutes façons «nous n'avons jamais contracté avec OTH Nord et jamais eu de relations avec Groep Planning, c'est seulement le groupement d'entreprises qui a réalisé le chantier qui a confié à Groep Planning les plans bétons du parking, car ils étaient spécialistes de la technique en taupe demandée par la Ville», assure-t-elle.
Groep Planning (aujourd'hui devenu Sum Project) confirme être «uniquement» intervenu «comme bureau d'études par la discipline de stabilité (construction ossature, béton armé et précontraint, fondation)».
Curieusement, on retrouve cette société belge d'urbanisme et d'architecture à l'initiative du projet : en 2003, mandatée par la municipalité Mellick, Groep Planning avait préconisé la construction non d'un mais de deux parkings souterrains à Béthune ! Ancien consultant pour une entreprise d'urbanisme néerlandaise, Jacques Mellick a toujours refusé d'en donner le nom. Mais il précise qu'il ne travaillait que dans les Länder d'ex-Allemagne de l'Est.
Deuxième tour de passe-passe soupçonné par l'audit : le financement de la DSP repose principalement sur les recettes de voirie (horodateurs), autrefois perçues par la ville, qui doivent permettre au délégataire de rentabiliser la construction et l'exploitation du parking souterrain. Q-Park, qui avait le projet le plus coûteux des trois candidats (un investissement de 11,5 millions d'euros), aurait surestimé les recettes de voirie attendues pour réduire d'autant la subvention demandée à la Ville et espérer remporter le marché.
«Pour sa première année d'exploitation le délégataire estimait que la place de voirie devait du jour au lendemain générer un rendement annuel de 514 euros, soit le double de fin décembre 2004, une hypothèse irréaliste», souligne l'audit. Là encore, «en toute connaissance de cause par l'exécutif de la Ville». Qui plus est, selon l'audit, la présentation des offres à la commission de DSP est biaisée, le tableau de comparaison des recettes de voirie ne reposant par exemple pas sur le même nombre de places (1800 pour Q-Park et 1400 pour Vinci).
Fort opportunément pour Q-Park, le contrat prévoit une compensation annuelle de 300.000 euros (maximum) en cas de non-respect des recettes attendues par le délégataire. Depuis 2005, la Ville a déjà versé 1,6 million d'euros de compensations à Q-Park.
En additionnant, sur les trente ans de la DSP, cette compensation financière annuelle, la subvention d'équipement versée, les recettes de voiries non perçues et le salaire des agents des surveillance de la voie publique, toujours à la charge de la mairie, l'audit estime le préjudice pour la ville à 48 millions d'euros a minima... «Le montant évoqué me paraît ahurissant et irréaliste», réagit Pascal Van Acker, à l'époque directeur général de services de la Ville de Béthune.
Pour Q-Park, comme pour Jacques Mellick, la faute revient à l'actuelle municipalité qui n'aurait pas respecté ses obligations, notamment la construction d'une halle aux produits frais censée assurer une certaine affluence au parking souterrain.
«Les recettes prévues étaient tout à fait raisonnables, mais l'ancienne municipalité n'a pas rendu payant un parking de 300 places comme c'était prévu et elle a cessé de contrôler le stationnement sur la voirie», répond Michèle Salvadoretti.
Puisque rien ne nous sera épargné, on en arrive donc au comptage des procès-verbaux pour défaut de paiement. «9132 PV dressés par les 8 agents de surveillance de voie publique (ASVP) en 2010, et 5299 PV depuis janvier 2011, auxquels il convient d'ajouter une grande partie des 1365 PV dressés par la police municipale», énumère Pierre Godot.
Quant à la halle aux fruits et légumes, qui devait coûter près de 6 millions d'euros aux Béthunois, «ce dernier délire mégalomaniaque de Jacques Mellick aurait fini de ruiner la ville», assène le fonctionnaire.
Affaire immobilière
Au détour de son détricotage de la DSP du parking, le cabinet d'intelligence économique est également tombé sur les affaires immobilières de la SCI JMB Pharm, contrôlée par les deux fils pharmaciens (Jacques et Miguel) et l'épouse de Jacques Mellick, dans une zone d'aménagement concertée (ZAC) béthunoise. Une ZAC, censée désenclaver le quartier de Catorive, qui, selon Stéphane Saint-André, «a surtout servi à mener une opération personnelle pour le maire».
Au début des années 1990, la société d'économie mixte Sepac, alors présidée par Jean-Pierre Kucheida, député-maire PS de Liévin et proche de Jacques Mellick, rachète plusieurs logements de part et d'autre de la toute nouvelle pharmacie de Miguel Mellick, pour réaliser un rond-point et une nouvelle voie dans ce quartier isolé. «A l'époque, on avait fait un référendum dans le quartier pour qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts entre la pharmacie de mon fils et l'intérêt général», affirme Jacques Mellick.
La Sepac rachète notamment trois biens immobiliers à la Ville de Béthune. Sur deux de ces parcelles, la Sepac donne en décembre 1989 un droit d'occupation gratuit à la SCI JMB Pharm. Officiellement en échange de l'entretien des bâtiments et en attendant les travaux du rond-point qui doivent détruire la pharmacie (l'expropriation prononcée en 1998 ne sera jamais menée à bien).
Sauf que le rond-point ne se fera jamais : en 1996, lorsque Bernard Mellick devient inéligible, son successeur à la tête de Béthune, Bernard Seux, stoppe le projet. Et au début des années 2000, la Sepac revend sept des parcelles à la SCI JMB Pharm pour un prix inférieur de plus de 8000 euros à celui de l'achat une dizaine d'années plus tôt.
C'est-à-dire que la SCI JMB Pharma a bénéficié pendant une dizaine d'années d'un droit d'occupation gratuit de deux bâtiments, et que trois bâtiments propriétés de la Ville de Béthune en 1989 se sont retrouvés dix ans plus tard rachetés à un prix modique par cette SCI contrôlée par la famille Mellick.
«Les biens sont restés inoccupés pendant une dizaine d'années et s'étaient dégradés, ce qui explique la différence de prix», relativise Bruno Fouquart, directeur d'Adevia, la puissante société d'économie mixte qui a absorbé la Sepac en 2009.
«Ce n'était pas du tout un projet Jacques Mellick pour la pharmacie mais au contraire contre la pharmacie, puisque mon fils, qui a été exproprié et n'a jamais reçu de dédommagement, aurait pu se retourner contre la Sepac», réplique quant à lui Jacques Mellick. La pharmacie Catorive abrite aujourd'hui également le siège de la holding du père, Mellick Engineering, qui coiffe ses activités de commercialisation d'automates préparant les sachets-doses pour des pharmacies, maisonnées de retraites, hôpitaux, etc.
Quatre élus de l'opposition (Bernard Seux, Jean-Pierre Deruelle, Michel Piard et André Delhaye) ont eux aussi écrit au procureur de Béthune en s'interrogeant sur la légalité du marché passé... pour l'audit (40.000 euros), estimant que les offres rejetées étaient moins coûteuses.
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Concernant la délégation de service public, Jacques Mellick a évoqué son état de santé à l'époque et renvoyé vers son adjoint au finance et son directeur général des services de l'époque. Jean-Pierre Kucheida et OTH Nord (devenu Iosis) ont eux réclamé, voilà deux semaines, un délai pour examiner leurs archives. On attend encore...